vendredi 19 mars 2010

In Love with Depression




Amis lecteurs, je sais que vous vous dîtes en vous pâmant, qu’aujourd’hui le texte à lire ne sera pas une Chronique mais un exposé de poncifs, ennuyeux comme le générique des « Feux de l’Amour », concernant cette grande Dame qu’est la Dépression. Miss D; oui je m’autorise un surnom parce qu’on peut dire sans exagérer qu’elle est ma meilleure amie (non, ce n’est pas Lorie). Ne soyez pas jaloux, je sais que beaucoup d’entre vous pensent nourrir le même degré d’intimité avec la joyeuse luronne….billevesées !!! Vous devez sans doute la confondre avec sa petite sœur : la déprime. Je ne lui mets même pas de majuscule, elle ne la mérite pas. Laissez-moi vous dire que l’illustre Dépression n’apprécie pas de se voir mettre dans le même panier que Blanche neige !!! Car oui, les cafardeux, ce mal terrible dont vous pensez être victime, ce cataclysme dont vous chercher à vous protéger n’est rien de plus qu’une brise légèrement glacée qui glisse sur votre dos. La mélancolie flotte autour de vous, voilà tout. Certes, elle est moins sympa que sa version romantique, incarnée par les poètes aux yeux creux et les rossignols[1]. La déprime n’est pas franchement une partie de plaisir pour le cœur et l’esprit. Vous devenez mous, apathiques, vous avez le blues tenace, vous faîtes partie de ces personnes avec qui la question « Comment allez-vous ? » DOIT être éludée. Il y va de la survie de votre interlocuteur; sous votre verve plaintive un rhume qui dure peut se muer en une dissertation d’agrégation. Chaque jour, un grain de sable devient une dune. Cette propension à se livrer distingue Droopy de son cousin toqué, le dépressif. Les douleurs profondes sont indicibles. Allons bon, amis déprimés, je vous conseille une bonne cure de magnésium, quelques épisodes de « La ferme des célébrités », un single d’Annie Cordy (la Compagnie Créole peut également fonctionner) et n’ayez crainte, vous rejoindrez, frétillants d’enthousiasme, la farandole des gens heureux. Les dépressifs, eux, ne seront pas sauvés par quelques flonflons et un week-end à Eurodisney.
LV ne fut pas touchée par le doigt de Dieu mais par celui de Miss D (je me demande si je n’aurais pas préféré devenir bigote). Sans doute m’a-t-elle choisie pour ma nature prédisposée au déséquilibre. Il faut dire, pourtant je n’aime pas me vanter, que dans ma vilaine famille, la dépression est un héritage. Certaines familles se transmettent un titre, une fonction, un physique ingrat, nous notre domaine privilégié, c’est la Dépression. C’est une esthétique de vie. Nous passons pour de véritables experts dans le cercle des aliénés, car nous avons diversifié nos activités : schizophrénie, folie pure, névroses multiples…. Je sais, ça fait envie. Miss D a de nombreux attraits qu’on passe trop souvent sous silence!!!
Si vous lisez mes textes, c’est que il y a déjà un potentiel en vous (désolée), je suis donc d’accord pour vous donner un cours.

Comment devenir un Dépressif professionnel ??

Avant tout, nous le disions, un terrain familial favorable est indispensable. Soyons clair, vous ne pouvez pas prétendre à cette fonction si vos parents sont sains et heureux; c’est impossible, il faut composer avec le chao. Chaque famille cache ses squelettes, or, si vous voulez jouer avec nous, il faut des catacombes emplies à ras-bord de nonos !! Par exemple, un parent fou ou un proche psychopathe est une excellente base. Ensuite, il faut bien évidement aimer l’introspection, enfin, il s’agit davantage d’une pratique devenue toc. C’est un peu le souci avec le dépressif, c’est qu’il a beau avoir un groupe d’amis, une foule, un océan d’amis : IL EST SEUL !!! Beaucoup de gens pensent que ce sentiment découle du narcissisme paradoxal du dépressif. Un peu. Il constitue surtout une protection. Je vous assure que si un sujet dépressif vous contait sans retenue les détails de ses pensées, sa façon de voir la vie, de vous voir vous, d’envisager ses rapports avec autrui ; oui, je vous assure que vous auriez deux réactions :
1) Le déséquilibre étant flagrant, un sourire gêné se pose sur vos lèvres et dans la bulle on pourrait lire : « Souris, souris, surtout, ne lui montre pas que tu le prends pour un taré ! Après tout, se prendre pour un clone de St Pierre, le martyr, n’est pas si choquant.»
2) Après l’embarras, il faudra trouver un moyen d’annuler les 25 séances de Yoga planifiées avec le sujet atteint, le dîner de jeudi soir et les vacances en Argentine. On ne sait jamais, ça peut être contagieux !!!
La Dépression a beau maintenant être acceptée comme une maladie, une vraie, avec rémissions, rechutes, traitements, docteurs et toute la panoplie, les gens équilibrés ont toujours un frisson à l’écoute de son nom. Vous comprendrez donc qu’on ne puisse confier nos visions déformées de la vie à vos oreilles pondérées. Pour nous, les gens normaux sont bizarres. Ce qui est pour vous est ordre et stabilité, peut être pour nous, un réapprentissage ou pire, une découverte. Comme quoi, la vie ne va pas de soi : il ne suffit pas de sortir gluant de l’utérus de Môman pour savoir comment on vit. Certaines personnes n’ont pas reçu le mode d’emploi, cela revient un peu à conduire une voiture sans permis. Légèrement casse-gueule.
DONC, pour faire un bon dépressif, il faut être brave, laisser tomber votre éducation, être passager de votre propre vie, ne rien contrôler, ne rien comprendre.
Chers prétendants, je vous avertis parce que vous m’êtes sympathiques : il y a un risque prononcé de folie. Gentille hein, mais, vous pourriez finir par élever une colonie de cafards que vous auriez affublé de prénoms adorables : Firmin, Louis, Doudounette etc.… C’est que, pour nous les amis de Miss D, le questionnement est ininterrompu. La moindre parcelle de notre être pose question; cela va des débats métaphysiques (qui suis-je ?) à des choses plus prosaïques telles que : « Pourquoi elle me regarde comme ça, elle ? J’ai un truc qui ne va pas ? Pourquoi choisir les chaussures bleues et pas les rouges ? Si Josette a annulé la soirée, c’est parce qu’elle sait que j’élève des cafards ? ». Ainsi de suite jusqu’à ce que folie s’en suive. Il faut avoir le cortex solide, je vous le dis.
Pour conclure, un dernier avertissement. Le Dépressif professionnel doit être patient au niveau des relations amoureuses ; en général on attend une cinquantaine d’années avant de se mettre en couple. Plus âgé, les névroses semblent plus « naturelles », plus dissimulables. Je ne vous conseille pas de vous acoquiner avec un autre sujet Prozaquien. A part obtenir des réductions chez les Psys, vous n‘y gagneriez rien d’autre ! Moi j’élève une mangouste. A côté d’elle, je suis normale. J’espère que mon exposé aura pu éclairer votre lanterne. Dépressif, c’est un beau métier et la déchéance générale va accroître sa popularité, alors n’hésitez pas à rejoindre la Formation :

MODULE A4B (Possibilité de financement Fongecif) :
EXPERTISE ET PRATIQUE DE LA DEPRESSION CHRONIQUE : 60h de cours pointus, 15684 Euros à verser directement sur mon compte.
On a besoin de vous !!! Enfin…moi…déjà.

LV

[1] Le rossignol, dans le symbolisme romantique incarnait la Mélancolie. Un peu comme R. Clayderman au XXème siècle

3 commentaires:

  1. propose ses services pour la dîte formation, contre 30% de la recette totale et quelques cacahuètes.
    Proposera pour l'occasion un numéro unique et rare de son pigeon domestiqué.
    Venez nombreux.

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  2. Je viens de parcourir quelques lignes de cette chronique et je dois avouer que le premier commentaire qui me vienne en tête est "Trop mortels le papier !!!"
    En même temps c’est normal pour une Dépressive que de proposer des articles qui tuent. Je resterai donc dans le même registre en vous proposant une solution radicale pour enterrer définitivement le sujet : Il faut le traiter par le vers. Qu’il soit avec ou sans pied, à moitié plein ou à moitié vide et peu importe sa couleur pourvu qu’on ait l’ivresse…

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