vendredi 9 octobre 2009

Reflexions sur l'argent

« J’ai tiré la langue devant une cravate comme un Saint peut saliver après des indulgences »
(Salinger)

J’ai beau multiplier les proses gauchistes et bohèmes, je ne suis qu’une femme soumise aux désirs de son temps. Entendez faible. Ce que j’essaie maladroitement d’avouer, c’est ma subordination au Matérialisme. Je suis hypocrite. J’ai rêvé d’être un esprit pur, détaché de tous désirs superflus. Notre intellectualité est supposée nous rendre aptes à pousser la réflexion plus loin et logiquement en conclure que l’argent, les possessions, sont les plaies de l’humanité. Dès lors qu’on en a conscience et que cette déduction nous fait horreur, comment y souscrire ? Une âme désintéressée n’est-elle pas-supérieure ? Oui, c’est une démonstration un peu simpliste; ceci étant, les intellectuels sont les dénonciateurs révoltés du Capitalisme, sont-ils pour autant à l’écart du chant des sirènes ? Les scientifiques, les écrivains, les photographes, les artistes, sont les premiers à se ruer sur le confort technologique : les ordinateurs, les blackberry, la chaîne hi-fi dernier cri, parce que, oui, nous, le confort, nous inspire. Cela pose un problème éthique. Nous sommes tous de grands détracteurs! Nous débattons, avinés, dans nos salons cossus des scandales politiques, des affres de la pauvreté, de la violence. Nous nous offusquons des horreurs que les médias affichent et, en dépit de tout cela, nous sommes peu à descendre dans la rue ou à donner à notre prochain. Ce que nous pensons et partageons dans nos soirées de jeunes gens privilégiés ne changent rien. Cela me pose un sérieux cas de conscience. Hélas, lire Aung sang suu kyi, Ghandi ou Linda de Sousa (pour l’exemplarité superbe qu’elle livre de la misère) ne nous ôte pas l’envie de baver sur les ipods, de caresser avec envie les boîtiers de CD à la Fnac, ni d’épargner 10 euros par semaine afin de pouvoir s’offrir un portable qui fasse moins de 3kgs.
Personnellement, je vis très mal cette dépendance à l’argent. Je suis mon propre Juda, je déroge à mes principes les plus essentiels parce que je suis contre la suprématie de l’Argent. D’un autre côté, LV a une sainte horreur des extrémistes qui pointent un menton dédaigneux devant les lecteurs sensibles aux « pages consommation » des magazines en vogue. Je trouve parfaitement ridicule de dauber tout confort. Être intellectuel ne signifie pas qu’on doive fuir la cruelle dictature capitaliste pour aller dormir sur une paillasse au fin fond du Larzac, se laver dans une rivière vaseuse, et finir par discuter avec les fourmis parce que la Télévision, Bou, c’est pas bien ! Nuançons nos idées. La ritournelle « l’argent ne fait pas le bonheur » est chantée par des gens qui sont loin d’être en difficulté et vous ne les verrez pas frissonner de froid sous un pont! LV bénéficie d’un passé doucet. Je n’ai pas baigné dans le luxe mais j’avais les cadeaux que ma puérilité gâtée réclamait. Même pas une tapette pour un caprice démesuré. Pas de frustrations Jusqu’à ce que j’accède à la maturité qui, bien que fluctuante dans mon cas, m’obligeait à subvenir à mes besoins, à vivre de mon maigre salaire. C’est à ce moment précis que les pages des « Elle », des « Cosmopolitan » ont commencé à me tarauder ; à ce moment que certaines publicités me donnaient envie de voitures, de design, de flagrances, de jeans qui vous briochent les fesses. En résumé, c’est en devenant pauvre que je suis devenue matérialiste. La frustration a fait basculer mon monde. Finies les rêveries libres et sauvages! Ma conception romantique de la vie fut anéantie. Saint Smic qui a remplacé les Lettres par les Chiffres. Un élément que je maîtrise beaucoup moins. S’en est suivi un défilé d’angoisses financières : ulcères du découvert, maux des AJO, j’ai subi la vengeance tenace de l’argent. Certes; les personnes vraiment pauvres m’étrangleraient pour ces lamentations de fillette superficielle. Que puis-je écrire pour me justifier? Tout le monde n’est pas Mère Teresa ou Nicolas Hulot. Je me prononce clairement contre le capitalisme, poison incurable de notre société, mais je n’ai pas fait vœu de Pauvreté. Vous le lisez amis ma relation à l’argent est ambiguë. Moi, au moins, je le reconnais. Je n’ai d’ailleurs jamais perdu mes habitudes de jeune dorlotée, cependant, je vois désormais les choses sous un autre angle. LV s’insurge contre le -pardonnez cette grivoiserie- « foutage de gueule » des médias à l’égard de la privation. Aujourd’hui lorsque je tourne les pages joliment glacées des magazines, que j’admire leur pages mode ou conso, que je fais alors glisser mon regard en bas des pages et que je découvre avec DEGOUT le prix des choses…cela me donne envie de régurgiter sur les rédacteurs en chef ! Une robe à 450 euros, un sac à 689 euros, des bottes en caoutchouc infâmes pour 198 euros, jusqu’aux magazines déco qui essaient de nous fourguer des armoires faussement vieillies avec 2 coups de peinture blanche pour faire vintage et zou, 800 euros ! Pourquoi diable ces magazines achetés par Me Dupont lui jettent-ils au visage (crémé de Nivea et non de Dior) un luxe qu’elle ne pourra jamais s’offrir ? Et nous, nécessiteux amollis, nous acceptons ça ? Pire, nous y participons en achetant cette presse qui nous rappelle une vie jugée banale ! L’autre soir, alors que je m’abreuvais de vérité en regardant la Télévision, j’eu droit comme vous à ce spot très œuvré de BMW qui lançait ce slogan : « Chez BMW nous faisons plus que des voitures, nous créons de la joie ». Là, je me suis dit qu’on nous prenait réellement pour des cons. Que si notre société pensait que le bonheur dépendait de l’achat d’une voiture de luxe, l’on comprenait mieux alors le peu d’égard qui nous était accordé. Aux pauvres cons, à ces cons pauvres qui luttent pour se payer (non vivre) une vie décente.
Si vos réflexions n’aboutissent pas, vous pouvez toujours aller chez BMW !