mercredi 22 juillet 2009

Ce que les pauvres pourraient dire de la crise

O Crise bien aimée, Merci encore pour le spectacle jouissif que tu offres à ma classe sociale. Une marée capitaliste se débat, se noie, sue sang et eau sous le coup de la panique.
Chaque matin, l’homme cravaté, fixe fiévreusement les écrans de Télé dispersés un peu partout dans sa société. C’est ainsi que l’on s’y prend pour imprimer dans leur cortex fatigué, les cours de la Bourse. Je le sais, parce qu’en tant que représentante de la Plèbe, je suis celle qui trône sous ces « Diffuseurs de Wall-Street ». Vous savez sûrement de qui je parle, homme au Blackberry greffé dans l’oreille, c’est la fille, là, maquillée, habillée comme Bernadette Chirac ! Le joli géranium en pot qui vous accueille tous les matins. Tenez, et bien, avant cette crise, chaque tentative pour capter l’un de vos regards vitreux, me blessait. Chaque « Bonjour » sans écho me transformait en un avatar de Cosette.
Aujourd’hui, j’accepte, avec joie, l’indifférence. J’ai bien compris qu’ils ne me voyaient pas, préférant poser leur regard un peu plus haut que ma tête, au niveau du canal Bloomberg. Il faut être magnanime et jouer son rôle de mièvre smicarde pour s’assurer une tranquillité. En outre, leur faisant face, j’ai le privilège d’assister en prime time à leur déconfiture. Idem, lorsqu’ils accourent le matin pour retirer leur presse. Certes par Presse, j’entends « Presse financière » ; n’allez pas imaginer que les cadres sont friands des VRAIS medias ! 99% de leurs abonnements sont dédiés à Ste Tribune et Pater Les Échos, vous ne verrez aucun Canard Enchaîné sur les bureaux de nos copains les nantis ! Mais la culture sectaire qu’ils s’attribuent est un autre sujet ; pour le moment, je me contente de les observer, surtout lorsqu’ils arrivent à la page 17 où un énième économiste/Gourous proclame la perte inévitable du royaume. Attention, je vous vois venir, je ne suis pas aigrie, car l’aigreur comporte une trace certaine de jalousie ; ce qui n’est pas mon cas. Il est faux de penser, que les Pauvres se damneraient pour un style Zara, le Dimanche Ikea et les 18 heures de travail quotidien. Je vous assure : aucune jalousie n’est en nous !!
Durant les jours de « vache maigre », j’avoue « Ste Pobressita », j’ai envié leur confort financier : vêtements élégants, week-ends et vacances à l’étranger. J’avoue honteusement que le Matérialisme me titille dans des moments de déroutes. Toujours est-il que, seule, à mon poste d’observation, je distingue en caractère gras les travers de la bourgeoisie hyperactive. Je détaille ces femmes aux jambes sportivement galbées, aux courbes sympathiques moulées dans des tailleurs La City, celles qui viennent chalouper des hanches devant l’accueil en me daubant allègrement. Les hommes, portent les codes vestimentaires des sauveurs de la Finance : des costumes sombres aux cravates rouges qui n’enlèvent rien, hélas, à l’obscurité de ces hommes d’affaires qui n’en sont pas.
Alors, lecteur, pour tous ceux qui essuient leur indifférence, leur salaire à 3000 euros net et leurs caprices quotidiens, oui, je le confesse, je bénis la crise.
La crise vue par un pauvre, est un bon moyen de remettre egos et portefeuilles en place, de balancer, pendant un temps, l’univers. Elle a mis un coup de pied dans la fourmilière et dérangé l’ordre établi. Car c’est bien d’une fourmilière qu’il s’agit. Un état parfaitement hiérarchisé, fonctionnant sur l’idée même du Pouvoir. Or, si les fourmis se contentent du pouvoir organisationnel, les hommes, eux, moins évolués, préfèrent lier la destinée de leur communauté à celle de l’argent. Formuler de tels poncifs sur notre méchante société ne m’attirera pas les faveurs de nos esprits ; mais, précisément, ce sont des poncifs et personne ne prend plus la peine de les avancer. L’argent est une puissance établie depuis toujours. Ce n’est pas un retour à l’âge de bronze que nous cherchons, c’est une juste mesure. La crise et sa cohorte d’essais, de faillites, et d’indemnités de départ outrageuses, a exposé au monde une absence de contrôle. L’argent, qui, telle une force naturelle, se soulève et se dresse contre son Dr Frankenstein. Et les pauvres s’en paient une bonne tranche de voir la Gorgone poursuivre son dieu en mettant à sac quelques banques au passage. La masse populaire, chers riches, n’a que faire de ce massacre. D’abord parce que vous étiez prévenus : ce n’est pas comme si des journalistes, des spécialistes, avaient prédis la Crise depuis des lustres ; ce n’est pas comme si c’était un châtiment faustien logique. Ensuite, parce que ceux qui n’ont rien, n’ont rien à perdre : nous nous fichons du naufrage bancaire, nous ne pleurons pas le CAC 40. Nous observons, tranquilles, un monde surréaliste où la Haute joue à se faire peur.
Dans ce chaos, le Peuple, reste stoïque. Qu’importe si Wall Street s’effondre, le monde aura toujours besoin de caissiers, de techniciens de surface, d’agents de sécurité, de réceptionnistes. La modestie de nos fonctions, prise dans ce contexte, nous rend essentiels. Vous ne nous voyez pas, mais, nous sommes partout !
Enfin, rassurez-vous, tous s’accordent à dire qu’en 2010 la Crise abandonnera les désargentés
!

1 commentaire:

  1. je suis toujours aussi fan de ta plume!
    avec l'avantage (le mot est probablement mal choisi) de me reconnaître en ces lignes.
    continue comme ça :)

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